Naissance d'une ville


L'histoire de Ratiatum s'inscrit dans un jeu d'échelles spatiales allant des routes commerciales de l'Empire romain et de ses provinces, jusqu'aux espaces naturels de la Loire.

Ratiatum naît après la conquête de la Gaule par Jules César, alors que sont redéfinies les limites de provinces et de cités. À cette époque, les Pictons étendent leur territoire jusqu'à la rive sud de la Loire, et y fondent Ratiatum, ville portuaire à 200 km au nord de leur capitale de cité Limonum (Poitiers). Un plan orthogonal organise la ville et délimite des îlots (insulae), qui se densifient au fur et à mesure du développement de Ratiatum.

Les vestiges de ces insulae sont explorés par les archéologues depuis les années 60. Ainsi, ils ont pu identifier la présence d'artisans au lieu dit La Bourderie, au sud et ont mis au jour deux domus, de vastes demeures urbaines d'inspiration romaine, à l'est. Les archéologues ont pu établir que cette ville romaine de Gaule s'étendait sur près de 2 km le long de la Loire, et fut particulièrement active du 1er au 3e siècle après J.-C.

Agglomération portuaire, Ratiatum s'appréhende par le lien étroit qu'elle entretenait avec le fleuve, de sa planification urbaine au 1er siècle à l'ensablement progressif de son port à la fin du 3e siècle. Ratiatum se trouvait à la croisée des routes terrestres, fluviales et maritimes et tournée vers la Loire, dont le chapelet d'îles facilitait le franchissement. Sur la rive opposée, au nord, se trouvait Condevicnum (Nantes), l'agglomération des Namnètes dont les liens avec Ratiatum restent à établir avec certitude.

Des entrepôts sur le port


Les entrepôts du quartier portuaire.

Les premiers bâtiments de stockage remplacent, à la fin du 1er siècle, de petites installations sidérurgiques, nécessaires à la construction du quartier. Les entrepôts sont reconstruits et agrandis en granite au début du 2e siècle, durant l'époque faste du port, puis transformés un siècle plus tard pour s'adapter à la baisse d'activité du port.

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Le Chronographe s'insère dans les fondations du plus grand entrepôt du quartier portuaire. Construit entre 2014 et 2016 par les architectes nantais Berranger & Vincent, ce bâtiment abrite le centre d'interprétation archéologique de Nantes Métropole : le Chronographe. Il retrace l'histoire de Ratiatum et de ses habitants.

Un ensemble de voies romaines


Le quartier portuaire romain est structuré par une voie romaine, bordée de portiques et secondées d'allées.

Le passage en bois qui mène au Chronographe correspond au portique antique –trottoir couvert– prenant appui sur les entrepôts. Le long de ce portique passait l’artère principale du quartier : une voie est-ouest bordée d’échoppes de commerçants et d’artisans.

Au 2e siècle après J.-C., des passages entre des entrepôts reliaient le port au quartier commercial. Ils donnaient sur la voie principale, large de sept mètres, bordée par un trottoir couvert.

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Un réseau de voies quadrille le territoire de la future agglomération de Ratiatum, dès 20-50 après J.-C. Les rues est-ouest semblent suivre la courbe du fleuve. Les voies sud-nord descendent parfois jusqu'à la Loire. Cette trame urbaine délimite des îlots ou insulae que les Pictons aménagent progressivement.

Ces axes de circulation sont régulièrement retrouvés depuis les années 1980.

Un quartier artisanal


À Ratiatum, une zone dédiée à l’artisanat a été identifiée en périphérie sud de l’agglomération, dans le quartier de la Bourderie.

À Ratiatum, une zone dédiée à l’artisanat a été identifiée en périphérie sud de l’agglomération, dans le quartier de la Bourderie (entre le Chronographe et la Maison Radieuse). On y fabriquait du verre mais surtout de la céramique commune : cette production importante est celle d'objets du quotidien, réservés à une clientèle locale.

Ce quartier planifié dès le 1er siècle par des voies et des îlots à bâtir, est resté en partie inhabité. Seule une partie de la zone a été occupée : par un verrier au 1er siècle et un potier au 2e siècle. L'installation en périphérie d'ateliers d'artisans était courante pour éviter les nuisances liées aux activités.

L’évolution des techniques (canne à souffler, soufflage dans des moules) a entraîné, à partir du 1er siècle après J.-C., une multiplication des ateliers de verrier, localisés en périphérie des agglomérations. L’atelier découvert sur le site de la Bourderie, dont l’activité date de la seconde moitié du 1er siècle, semble s'être spécialisé dans une production fondée sur le recyclage du verre. La présence de bancs d'argile a sans doute favorisé l'installation d'un potier au 2e siècle au lieu-dit de la Bourderie. Un dispositif d'affinage de l'argile a été identifié, ainsi qu'un puits assurant l'approvisionnement en eau. À proximité, deux fours ont été mis au jour. Cet atelier produit essentiellement pots à cuire et marmites mais l’on trouve également quelques figurines en terre cuite blanche, fabriquées par surmoulage de pièces produites le long de l’Allier. Ces pièces montrent les contacts existant entre les différents centres de production en Gaule.

De vastes demeures urbaines


L'apogée du quartier, de la fin du 1er au milieu du 2e siècle, est marquée par la construction de deux domus, insérées au sein des îlots nord et sud, associées à des boutiques et arrières-boutiques.

Entre 1987 et 1991, plusieurs opérations archéologiques préventives ont été réalisées sur environ un hectare au lieu dit Terrain Peigné (du 10 au 22 boulevard Le Corbusier). Dès le rattachement du territoire aux Pictons, au début du 1er siècle, la trame urbaine est mise en place, matérialisée ici par deux rues perpendiculaires (est-ouest/nord-sud) et un portique le long de la rue nord-sud, qui dessinent des ilôts réguliers.

Dans ce réseau de voirie, entre 20 et 40, s'inscrivent deux bâtiments d'habitation. De plan rectangulaire allongé, ils sont couverts de tuiles et construits sur des solins continus en gneiss, où reposent des sablières basses portant des élévations en terre et bois. Dans la deuxième moitié du 1er siècle, de nouveaux bâtiments, dont des boutiques, sont maçonnés en petit appareil irrégulier.

L'apogée du quartier, de la fin du 1er au milieu du 2e siècle, est marquée par la construction de deux domus, insérées au sein des ilôts nord et sud, associées à des boutiques et arrières-boutiques. Étendue sur plus de 800m2 , la domus sud, inspirée des modèles romains, présente un plan trapézoidal s'ordonnant autour d'une vaste cour centrale bordée d'un péristyle (portique à colonnade) et desservant trois ailes. Le système de récupération et d'alimentation en eau comme le soin apporté à l'aménagement des sols dans les pièces de réception et d'habitation témoignent du confort résidentiel de la maison.

Du milieu du 2e au début du 3e siècle, une partie de la domus sud est démantelée au profit de l'installation d'ateliers (aires de travail, fosses de rejets et four) produisant probablement des objets en fer et en céramique. Cette domus de 880 m2 est composée d’une douzaine de pièces réparties en trois ailes. La forme et le plan de cette demeure urbaine sont connus grâce aux vestiges retrouvés : fondations, éléments de mur en moellons de granite, briques, sols et quelques seuils de porte. Son élévation n'est qu'une hypothèse, qui s'appuie sur d'autres exemples connus en Gaule romaine. Le plan carré de ces vastes demeures urbaines est inspiré des domus romaines. Au centre, l'atrium, cour centrale et cœur de l'habitat, est bordée d'un portique qui dessert toutes les pièces de vie. Ces domus d'environ 900 m2, construites en pierre et tuile, confirment la présence à Ratiatum d'une élite influencée par la culture romaine.